lundi 18 février 2008

Au coeur de la folie carnavalesque




Cuando me chamou, eu vou pra Recife e festei ja. [...]E frévo! E frévo! E frévo!”

“Quand on m’appelle, je vais à Recife où j’ai déjà fais la fête. C’est le frévo ! C’est le frévo ! C’est le frévo ! »

Le carnaval de Recife est un carnaval de rue de culture populaire. Le peuple y est mis à l’honneur et l’élitisme est banni des allées où les groupes de maracatu et de frévo défilent.

Les plus grands noms de la chanson pernambucana sont présents ce qui provoque un engouement populaire incroyable. Face aux différentes scènes, le public reprend en chœur les chansons. Les bras en l’air, les spectateurs font se rencontrer leurs deux mains. On saute, on danse et on invite le voisin inconnu à rentrer dans la ronde.

Lorsque Nação Zumbie fait son apparition sur la grande scène, c’est plus de 400 000 personnes qui exultent. Le groupe de rock de Recife est fameux pour avoir réussi l’alchimie entre les guitares du rock occidental et les tambours traditionnels du maracatu dans les années 90. Le groupe est depuis devenu un mythe. Le Brésil tient son Nirvana national. Chico Science, le chanteur, a disparu, il y a 10 ans, dans un accident de voiture. Contrairement au groupe américain, Nação Zumbie a continué à jouer. Le style a évolué mais le public est resté et encore aujourd’hui la jeunesse brésilienne est unanime lorsqu’ils se produisent. Programmé sur la scène principale, l’engouement populaire se fait sentir très tôt dans la soirée. Une heure avant le début du concert, alors que Dj Dolores fait chauffer les platines, la foule est déjà compacte, la marche arrière devient impossible et la température atteint déjà les 35°. Un peu avant minuit, les musiciens entrent sur scène et l’hystérie s’empare du public qui ne cessera pas de crier pendant les 2h30 de concert.

La nuit des tambours silencieux

Le Brésil est une terre de mélange. La colonisation a imposé la culture européenne aux tribus indigènes tandis que les esclaves africains ont utilisé leurs racines comme arme de résistance. Les relations se sont depuis pacifiées et des ponts se sont construits entre chaque civilisation.

La maracatu est une résultante de ce mélange. Les tambours africains rythment un défilé colonial avec une référence aux orichas.

Dans une rue étroite du centre historique de Recife, les meilleures compagnies de maracatu de la région se retrouvent et défilent pour la nuit des tambours silencieux. L’une après l’autre, elles s’avancent vers la scène. Les percussionnistes entament un rythme afro puissant et rageur. Le spectateur est pris à la gorge et les poils de ses bras se dressent de frisson. Grosses caisses, caisses claires, claves, tambourins et maracas s’accordent pour faire résonner leur rythme dans tout Recife. Les danseurs les précèdent. Ces derniers sont parés de coutures somptueuses et dorées. Dans un style néo-colonial, ils usent d’arabesques pour ouvrir la voie au roi. Les dames de la cour tournent sur elles. Leur robe à arceaux dessine un périmètre que le spectateur est prié de respecter. La cour peut alors avancer. Le vicomte, l’ambassadeur et le prince marchent solennellement en compagnie de leur épouse. Ils sont protégés par des guerriers en arme. En fin de cortège, une ombrelle et un plumeau, tenus par des serviteurs encore enfants, annoncent le roi et la reine. Sceptre en main, il couvre le public d’un regard bien veilleur.

On est très loin de la simple parade fantaisiste. Ce défilé est emprunt de symboles culturels malheureusement difficile à comprendre pour un étranger en mal de références. Malgré la frustration, le touriste se laisse porter par la magie de la soirée. Aux alentours de minuit, les tambours deviennent silencieux et les lumières qui éclairent la rue sont éteintes pour laisser la parole au maître de cérémonie. Un orateur – prêtre qui commence une incantation à l’attention d’une orichas. Dans un dialecte afro portugais, que tous les brésiliens ne comprennent pas, il fait ses recommandations à la divinité alors que Mardi gras est entré dans ses premières minutes. La foule lève les bras au ciel pour pénétrer encore mieux le coté mystique de la soirée. Quand la prière prend fin, on rallume les lampadaires et les batteries recommencent à jouer. Plus que vingt quatre heures de carnaval.


Cent ans de frévo

Le Brésil catholique est rentré dans le carême depuis quelques heures et que le calme est revenu dans le centre ville de Recife, mais Olinda n’en a pas fini de la fête. A la porte de l’église qui arbore un retable complètement doré, un guide nous informe que les festivités continueront jusqu’au deux mars, « jour de célébration de la création de la ville ».

La population, bien que marquée physiquement par quatre jours de fête et d’alcoolisation, continue à faire la fête. Les « bloco » de frévo défilent entre les rues de cette vieille ville brésilienne jumelle de la capitale du Pernambouco.

Il en va des groupes de frévo comme des écoles de samba. Chaque quartier dispose de propre ensemble qu’il entraîne pendant un an afin de rivaliser avec la concurrence le moment venu. Le porte-drapeau et le boneco ouvrent la marche aux danseurs et à l’orchestre. Les costumes multicolores sont assortis aux petits parapluies qui sert d’accessoire à cette danse rapide qui réclame beaucoup d’agilité. Le répertoire musical est identique quelque soit le groupe mais les spectateurs s’engouffrent à chaque fois à la suite des musiciens pour chanter et danser une fois de plus. Cela fait cent ans (Recife en avait fait le thème inaugural de son carnaval) que cela dure et la ferveur du frévo n’est pas prête de s’éteindre.



Photos: credits perso, Défilés de frévo dans le centre historique de Recife (1 et 2)/ jeune danseuse de frévo à Olinda/ Boneco à Olinda.

Phrase d'introduction extraite d'une chanson de carnaval

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