mercredi 21 avril 2010

"Les métropoles aux métropolitains" par Thierry Baudouin et Michèle Collin


Aujourd'hui 21 avril, on célèbre l'anniversaire de Brasilia. Avant de revenir un peu plus en détail sur le contexte local dans lequel se déroule les commémorations. Je partage un article rencontré sur le site de Multitudes -revue politique, artistique et philosophique- qui traite de la construction urbaine et de la place de la population dans celle-ci. Thierry Baudouin et Michèle Collin replacent le débat dans l'élaboration du "Grand Paris".

Le projet Grand Paris lancé par l’État depuis deux ans caractérise la persistance de beaucoup d’enfermements souverainistes dont la société française ne parvient pas à s’émanciper. C’est d’abord toujours le pouvoir jacobin, même relooké de présidentialisme, qui a initié et entièrement régulé cette réflexion sur l’avenir de la métropole. La création d’un secrétariat d’État chargé du « développement de la Région capitale » visait clairement à récupérer le peu de pouvoirs « décentralisés » que le pouvoir socialiste avait auparavant consenti à la Région Ile de France et à la Ville de la capitale. Il s’agissait aussi de nier l’initiative de cette dernière, Paris métropole, forum d’une centaine d’élus de tous bords travaillant depuis quelques années à initier des coopérations au-delà des frontières administratives et politiques de l’agglomération. Autre caractéristique du pouvoir régalien, l’opération a permis aussi un temps de contourner quelques fiefs de l’administration centrale puisque la sélection par le fait du prince de dix architectes ignore une fonction urbaine instituée à qui tous et chacun reprochent ses banlieues et ses dalles, pareillement coupées de la ville. Et, de fait, les dix talents européens ont eu ainsi le grand avantage de faire coopérer au sein de chaque équipe de multiples compétences de disciplines traditionnellement isolées dans les cloisonnements fonctionnels. Dernier avantage d’un pouvoir central très porté sur la médiatisation, les résultats riches et multiples de la consultation ont fait l’objet d’une grande exposition et été mis à l’entière disposition de tous les acteurs de la métropole.


Mais le pouvoir monopolise toujours entièrement les commandes : sans relation aucune avec les projets, tout juste rendus par les équipes, un ministre de la « région capitale » présente sa propre stratégie de positionnement de Paris comme « ville monde » : quelques pôles concentrant l’excellence autour de la capitale ( La Défense, Saclay, Saint Denis ou Roissy…) seront reliés par le grand huit d’un métro automatique de 130 kilomètres. La difficile transition du statut de capitale nationale à celui de métropole européenne et mondiale est ainsi réduite à la décision structurelle et hiérarchique d’un empilage de concentration d’excellences. Renforçant les dichotomies des territoires de l’agglomération, ce coup de force délaisse surtout totalement le véritable moteur de l’innovation métropolitaine, sa puissance de pollinisation qui mélange et combine d’innombrables compétences au gré de rencontres et projets souvent aléatoires. L’économie cognitive qui agit les nouvelles productions matérielles et immatérielles de la ville n’est plus du tout celle de la planification d’État qui ne saurait ni la diriger ni lui imposer ses cadres.

L’État couronne d’ailleurs son contresens par un abus de droit manifeste. Un nouvel établissement public de la Société du Grand Paris s’arroge en effet des compétences des villes en urbanisme et transport pour préempter autour des 40 gares prévues des espaces de spéculations immobilières censées financer l’opération. Le vieux rapport État/notables de la tradition souverainiste peut ainsi se poursuivre en divisant pour régner. Déjà le Ministre négocie séparément avec quelques collectivités et quelques architectes. Quel élu pourrait refuser de voir sa ville accueillir la gare d’un des pôles ? Et si les architectes ont vigoureusement souligné cet outrepassement du droit par l’État, lequel d’entre eux pourrait aussi décliner la construction d’un de ces pôles ?

En tout cas, les rivalités locales ou professionnelles face au pouvoir sont pour le moment en passe d’engloutir les projets tant des équipes d’architectes que de Paris Métropole qui visent tous à transversaliser les anciens découpages administratifs et fonctionnels régaliens.

Dépasser cette dépendance propre au welfare fordien du chacun-pour-soi-et-l’État-pour-tous impose d’innover la gouvernance du vivre ensemble dans une métropole démocratique, question totalement exclue de l’appel d’offre. Cela demande d’abord de poursuivre les prospections sur la métropole en incluant cette fois les territoires en constitution qui débordent déjà les cloisonnements des collectivités locales traditionnelles. Paris métropole, mais aussi d’autres projets comme celui de Seine métropole qui veut resituer Paris dans la globalisation en l’ouvrant vers des territoires européens et mondiaux par le fluvial et la mer. Ensuite, d’autres métropoles en Europe doivent être questionnées à propos des diverses innovations qu’elles ont, elles, déjà lancé, en matière notamment de coopérations entre citoyens et experts. Une société cognitive contextualisée doit inventer ses propres formes de débats sur la question du vivre ensemble dans la nouvelle ville productive. On connaît bien les bauforums allemands, notamment à Hambourg, ou encore les plans stratégiques des années 90 à Barcelone et dans beaucoup de métropoles s’échafaudent de nouvelles formes démocratiques pour reformuler des objectifs communs.

À Paris, il s’agit non plus d’augmenter à priori les structures de transport mais d’abord, à l’heure du Net, de réduire la mobilité domicile /travail subies, toujours en augmentation ; non pas de monter des opérations spéculatives sur le foncier urbain mais bien de réinventer un rapport durable de la ville avec la nature et l’agriculture ; non pas de conforter les dichotomies centre/périphéries, mais, tout au contraire, de comprendre que la société cognitive recompose totalement les anciennes hiérarchies spatiales. Cela implique notamment de permettre aux métropolitains de circuler dans leur métropole avec un ticket unique et, surtout, d’inclure les migrants et nomades comme des acteurs à part entière de la production de la métropole monde. De considérer donc des citoyens, et non plus des « usagers » ou des « Sans », pour faire des affects et subjectivités des métropolitains les vraies sources de la création de la métropole.



credit photo: www.zonu.com

lundi 19 avril 2010

Z numéro 3 est dans les bacs



Après un automne sur les routes du Nord, le numéro 3 de Z sort des presses.










Il rend compte des combats ouvriers rencontrés à Amiens et ses alentours, pose la question de l’autogestion, mais aussi celle de la production et de ses finalités.

Au cœur de notre itinérance en Picardie : des ouvriers qui se battent dans une région frappée par la désindustrialisation. Goodyear, Dunlop, Manufacture française de sièges, Continental... Autant d’usines à Amiens et ses alentours dans lesquelles nous avons rencontré ceux qui refusent de baisser la tête. Souvent sans aucun soutien des confédérations syndicales, ces travailleurs se démènent pour le maintien de leur emploi, contre de nouvelles cadences ou pour arracher de conséquentes indemnités de licenciement.

De prime abord défensives, ces luttes n’incarnent-elles que l’image d’un monde ouvrier désabusé, réduit à parer les coups du management moderne et des « lois » de l’économie ? Nous avons eu un autre sentiment : loin d’être le reflet d’un simple sursaut de dignité ponctuel et évanescent, ces mouvements ouvriers ouvrent des possibles – ici et là.


Aussi au sommaire de ce Z n°3 :
un dossier sur la fièvre catharrale ovine (FCO) qui donne la parole à des bergers en colère,
un reportage sur la lutte des Kurdes contre les barrages hydrauliques turcs,
un retour chronologique sur le fiasco des débats publics au sujet des nanotechnologies
un reportage sur les hortillonages d'Amiens (ces jardins potagers autogérés – ou pas),
une enquête sur les puces RFID dans les transports en commun de Lille,
un photo-reportage sur les migrants de Calais,
un entretien imaginaire avec un millénariste du XVe siècle... et bien d'autres surprises!

Disponible en librairie ou sur commande, 192 pages, 10 euros.
contact@zite.fr

mardi 6 avril 2010

Pon la basura en su lugar !




La dernière vidéo de La Otra Esquina, réalisée en intégralité par les élèves de l'école de Santa Fe de Galan lors de l'atelier de communication communautaire à propos du tri des déchets et du recyclage.

mercredi 3 février 2010

Rendez-vous en terre inconnue

Ceci est une lettre.

Chère Salima,
Je ne te connais pas. Ou si peu. C’est la radio qui m’a parlé de toi, pour la première fois, il y a une semaine. Les AMG de Mermet m’ont raconté ton histoire.
Fille d’une liaison hors mariage entre deux marocains, tu as vu le jour avec ta jumelle. Puis tu as grandi en France, à Clermont-Ferrant, avec ta grand-mère puis ta tante, ta seule famille car tes parents tu ne les connais pas. Tu as étudié et tu es rentré en CAP cuisine.
Ta jeunesse était ton bouclier contre la main de fer des fachos en chef. On peut garder son âme de jeune mais un jour, on obtient sa majorité. 18 ans et la force répressive s’abat sur toi car les lois ne te protègent plus. Et ils t’ont raflé. Sans titre de séjour, ils te considèrent illégale donc indésirable. Te voila au centre de rétention administrative (CRA) de Clermont depuis une semaine.
J’ai entendu ta sœur sur cette même radio. Elle se terre on ne sait où. Dans la même situation que toi, elle a rencontré un Juste qui l’a dérobée à la renacle. Elle appelait au secours pour libérer sa jumelle. Dépourvue de toute liberté de circulation, elle lâchait son désespoir sur les ondes.
Les associations connaissaient ton cas et elles se sont mobilisées. Le CRA et la préfecture sont assiégées sans résultat. L’ordre d’expulsion tombe. Les roussins t’ont indiqué la procédure. Tu fais tes valises et montera dans le fourgon à 7h demain matin pour ensuite être traînée dans l’avion à 9h pétante.
Résignée, je t’ai entendu cette après-midi. Tu racontais le processus, impuissante. Derrière ces barreaux, tu ne peux que compter les minutes qu’il te reste. Une journaliste te demandait ce qui allait se passer une fois sur place. RIEN, personne ne t’attend. Tu as tout juste de quoi trouver un hôtel puis acheter quelques provisions. Les économies de ton dernier job. Le Maroc est une terre inconnue pour toi comme pour moi. Une langue, une culture, des visages que tu ne connais pas plus que moi. Et moi on ne m’expulse pas car l’état civil est dans la capacité de reconstituer mon arbre généalogique sur trois générations sur cette terre fétide. Toi, ton arbre généalogique tu ne connais même pas l’étage au dessus de ta tête mais tes racines sont ici. Tu as grandi à mes cotés et toute ta vie est ici. Qu’importe le passeport, tu es française. Sûrement plus que moi qui renie ma nationalité à l’étranger dès que c’est possible.
Je sui entre mes quatre murs ce soir mais j’aimerai tant être à Clermont. Faire le pied de grue devant la préfecture, bloquer la porte du CRA, badigeonner la tête du préfet, faire la nique aux cognes pour que tu restes là.
Des gens dans ta situation à Vincennes en 2008, ont mis le feu à leur matelas. Suis cet exemple s’il peut d’apporter le sursis.
Ce soir je suis avec toi et avec tes potes, tes profs et ceux qui se mobilisent. Courage
Mort à Vauban.

vendredi 22 janvier 2010

Aides tague les chiottes

Un clin d'oeil sur le thème du SIDA avec la dernière campagne de Aides. Tous les moyens sont bons pour répéter encore une fois: PROTEGEZ VOUS!!!

jeudi 21 janvier 2010

Disputes de clocher

Amis de la tête de veau, c'est votre jour. Aujourd'hui 21 janvier de l'an 2010, nous nous souvenons avec recueillement du raccourcissement de notre bon roi Louis XVI, décapité par de vilains républicains. Mais nous français de souche, sommes toujours en vie et avons foi dans le retour du dauphin.

Cette introduction flamboyante n'est pas un délire solitaire. Mon logement se trouve dans la zone d'influence du curé de Thiberville qui depuis des semaines défraye la chronique à l'échelle locale, régionale et nationale. Cet homme, royaliste convaincu, célèbre chaque année le péché du peuple révolutionnaire cripto bourgeois qui décidèrent de prendre le pouvoir contre la loi de droit divin qui régissait jusque là notre beau pays.
L'abbé Michel se révolte contre son autorité diocésaine. Il refuse l'ordre de déménagement indiqué par l'évèque et souhaite rester entre ses paroissien(ne)s pour rendre grâce au seigneur tous les bons jours que dieu fait cette terre. Ca gronde de la nef à la sacristie et les batraciens de bénitiens éructent et préparent un plan d'action diabolique. Lors de la (non)passation de pouvoir le défouloir se met en route et les voila qu'ils huent et insultent l'évèque. Partisan et opposants se délectent de la scène. Elle démontre l'amour des paroissiens pour leur curé mais aussi la violence de ces derniers et leurs idées pas forcément recommandables. Les médias sont là pour immortaliser la scène.

Je connais l'église de Thiberville, j'y ai abimé mes genoux découverts par mes culottes courtes puis je l'ai fuit pour me défaire de toute croyance biblique. Quatre ans de catéchisme et deux de confirmation, je me considère comme témoin légitime dans cette histoire.
Oui l'abbé Francis Michel est royaliste. Il se complait dans le retour hypothétique du roi et marche dans Paris avec le drapeau français orné du sacré coeur. Il organise une messe hebdomadaire obscure (le dimanche à 17h) pour des acharnés de sa race reprenant les rites de saint Pie X. Pas raciste en fonction de la couleur de peau, il n'est pas tolérant par rapport aux autres religions et imagine le catholicisme comme l'unique voie vers le paradis. Ses foudres s'en prennent régulièrement aux impies. Ses prêches ne furent jamais aussi violents qu'après les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd'hui encore, quand une mouche le pique, il remet le couvert en diversifiant sa victime.
Oui mais l'abbé Michel est aussi un prêtre qui sur un territoire qui se vide, réussit à remplir les églises de tout le canton; et non pas, comme on entend dire, de parisiens et de malades de la couronne mais bien d'habitants des environs qui souhaitent vivre leur foi. Un phénomène à noter face à la désaffection des lieux de culte. A ce titre, il reçoit le soutien des élus locaux. Certains font partis de ces proches (Guy Paris) mais les autres constatent que les églises, dont ils sont responsables, ne sont pas laissées à l'abandon. Son énergie, il la transmet à son public qui chantent avec ferveur quand dans les autres églises on murmure entre les dents. Le curé s'efforce aussi d'avoir de belles cérémonies. La messe de noël est une référence régionale. Les communions sont toujours de grands moments colorés et fleuris.
Je ne voue pas mon amitié à Francis Michel mais je lui suis reconnaissant des efforts pour un catéchisme qui prend du sens.

Le battage médiatique fut une aubaine pour tout le monde qui souhaitaient donner un aspect belliqueux à l'affaire. Je considère que tout ceci n'aurai jamais dû avoir lieu et qu'on devrait laisser la religion où elle doit se trouver, c'est à dire dans l'église. Laissons donc Francis Michel officié où il le souhaite en tant qu'acteur du catholicisme et n'éventons pas les rumeurs de psaumes au delà des vitraux.

vendredi 15 janvier 2010

Le retour du placard et des abérrations

Mano Solo puis Daniel Bensaïd, deux morts la même semaine, et pas un journaliste, ni ami (la mère de Mano Solo ou Daniel Mermet n'ont pas prononcé le mot) n'osent dire la vérité, ils sont décédé du SIDA.

A Act Up, on s'alarme de la réouverture du placard où l'on enfermerait toutes ces personnes indésirables pour leur maladie. On ne veut plus voir la vérité, par peur? par banalisation? par obscurantisme?
Ces interrogations ne trouvent pas de réponses évidentes. Après un an en Equateur, je considérais la société française comme libérale à ce sujet: on pouvait en parler, en débattre se confier, informer et d'informer.
Pour rappel, parmi les personnes découvrant leur séropositivité en 2008 en France, 60% ont été contaminées par rapports hétérosexuels, 37% par rapports homosexuels et 2% par usage de drogues injectables. Dans le monde en 2007, on recensait 2,7 millions de nouvelles contaminations, 33 millions de séropositifs, 2 millions de morts du sida. Le combat ne peut s'arreter.
L'anecdote qui suit a pu se passer en France il y a 20 ans. Elle s'est déroulé il y a un mois en Equateur. Lors d'une conférence au collège de Santa Fé de Galan, La Otra Esquina présentait son film de prévention "Protegete" à une vingtaine d'étudiants âgés de 12 à 14 ans en compagnie d'une infirmière du centre de Santé de Guano.
Dans sa présentation de la maladie, l'infirmière explique: "L'Afrique est un pays beaucoup plus pauvre que nous et là bas tout le monde est contaminé. On a même du enterré vivante certaines personnes pour circonscrire l'épidémie."
Elle indique aussi que le préservatif est sûr à 80%... Elle ne fait que répéter ce que tous les médecins affirment avec aplomb et bétise face à la population. De la sorte, ce sont des criminels en puissance aveuglés par la connerie religieuse qui ne se rendent pas compte que 90% des personnes infectées par le SIDA ne le savent pas car elles n'ont pas réalisé de test et sur les 10% connus des services de santé, tous ne suivent pas de traitement car l'opprobre populaire est tellement forte que personne ne souhaite se confronter à la réalité. Pourtant en Equateur comme en France, le traitement est gratuit et l'attention médiacle est individiualisée et discrète.

Le retour aux sombres année 80 pleines de mensonges et de préjugés nous guète et personne ne s'en rend compte. La B.A de la semaine, voir et revoir Philadelphia de Johnatan Demme avec Tom Hanks.