Avril 2009, Pérou, quatrième mois de voyage.
Après 15h de trajet en direction de Pisco, le car me dépose au bord d’une grande route. Le soleil tape, la poussière flotte dans l’air, bienvenue dans la Costa péruvienne, sorte de grand désert traversé par dess courts d’eau. Ici, pas de terminal de bus, seulement un bar, une boutique internet, un petit marché et quelques bâtiment à quoi s’ajoute la multitude de taxi, mototaxi et vieu vans Volkswagen.
J’apprendrai plus tard que je suis sur la Panaméricaine et que le centre de Pisco, ou ce qui l’en reste, est à 5km. Pas de route pour y accéder, seulement un chemin de terre où les voitures défilent et se croisent sans interruption. Aux abords, on peut voir une sorte de camp de réfugiés, des baraquements et des petites cabanes de bois accolées à perte de vue. Bien organisées par bloc, ces habitations sommaires, une pièce de 15m² pour une famille, semblent être ici pour durer.
Des enfants courent au milieu de la poussière soulevée par les véhicules et le vent. Un vieillard tire, à la force de son corps, une petite charrette contenant des bouteilles en plastique. Il se rend à deux kilomètres de là pour les échanger, 1kg pour 0,30 sol soit 0,08€.
Le petit bus volkswagen, bondé, continue son trajet. La chaleur, lourde, est difficilement supportable, et les fenêtres à peine entrouvertes permettent d’éviter que la poussière ne s’immisce/s’invite à l’intérieur.
Pisco. Des bâtiments commencent à apparaître dans mon champ de vision. Ou plutôt des ruines de bâtiment. Les murs sont effondrés, les toits absents, les gravats au sol se mélangent aux poubelles. Mais la rue est animée, il y a de la vie. Les taxis klaxonnent, les piétons circulent, les étales des magasins sont dans la rue, comme sur un marché. Ça crie, ça vend, ça court.
Je descends au niveau de la place centrale. Quelqu’un m’alpague. Information ? English ? Español ? Après m’avoir demandé d’où je venais, le vendeur me propose un tour guidé qui part le lendemain matin à 7h. Le car vous dépose loin, les agences touristiques vous emmènent hors de la ville. Tout semble fait pour que l’on ne reste pas à Pisco.
Pourtant les différents guides touristiques, édition 2009, vous parle de la ville comme d’un lieu où il faut s’arrêter, avec sa cathédrale, son musée et sa plage splendide. Mais où sont ils aller chercher ses informations ?
Lors de l’édition des guides, qui sont bouclés deux ans avant, toutes les informations étaient justes. Mais, en août 2007, le 17, à 18h41, le sol a tremblé. Une première secousse, pas trop importante, puis quelques instants plus tard, cela revient et de manière amplifiée. Et pendant trois minutes, un tremblement de terre, niveau 7,9 sur l’échelle de Richter, va dévaster la ville. L’hôtel de ville, l’église, la prison, les magasins. Au total, environ 80% de la ville sera détruite. La secousse est ressentie en Bolivie, au Chili, en Equateur et en Colombie.
Le lendemain, des médecins de Cuba et du Venezuela débarquent. Dans les jours suivant, ce sont les ONG, associations et autres organisations qui arrivent. La réponse est internationale. Beaucoup de pays envoient de l’argent. Des dizaines de milliers d’euros seront récoltés.
J’arrive, presque deux ans plus tard, sur recommandation d’amis péruviens qui m’ont dit que rien n’avait changé, que l’argent était parti dans les poches des personnes corrompues. Alors, j’ai pris mon billet de bus, et avant d’aller à Lima, je suis venu ici pour voir et savoir, pour voir comment la situation évolue, si la population a pu s’organiser, pour rencontrer l’une des seules associations survivantes. Mon premier contact avec la ville est bien pire que ce que je ne m’étais imaginé. Dans le centre ville, on se croirait à Beyrouth après un bombardement et dans le quartier le plus touché – où se trouve MAD voluntarios, association que j’ai contacté – c’est encore pire. Ancien quartier résidentiel, il est aujourd’hui déconseillé de s’y promener seul, car la précarité a entrainé l’insécurité.
L’aide internationale a permis de déblayer les débris ici, de construire un mur d’enceinte par là, ou bien une dalle de béton sur ce terrain. Le problème est que rien n’est terminé. Les murs d’enceinte ont été élevés pour éviter que des voleurs n’entre dans les jardins mais les habitants n’ont pas d’argent pour reconstruire la maison. Heureusement, d’autres organisations ont construit des des abris de 15m² où séjourne toute la famille (photo). Mais comme il y en avait beaucoup à construire, le mur n’est qu’une fine planche de bois, sans isolation, ce qui entraîne une chaleur insupportable à l’intérieur lorsque le soleil tape, c’est à dire tout le temps.
Depuis, le problème a été reconnu et les constructions sont maintenant en PVC avec isolation, pour un coût un peu supérieur. Qu’importe, de toute façon, il n’y a plus d’argent pour aider, et la plupart des organisations sont parties, d’autres parties du monde ayant eu aussi leurs lots de désastres.
Aujourd’hui, il ne reste plus que deux petites associations, et UNICEF qui est repassé pour installer quelques trois cent toilettes individuels pour la population. De mon côté, j’ai rencontré MAD Volutarios, que l’on pourrait décrirecomme une bande de gringos plein de bonnes intentions. Ils aident grandement la population en allant sur les chantiers comme main d’oeuvre, en proposant aux riverains d’acheter eux-mêmes les matériaux nécessaire pour la construction d’une maison en PVC (photo) soit 250 soles (65€) et eux viennent avec leur bétonneuse, pelles... pour couler une dalle en dur sur laquelle ils monteront la maison. Et lorsque la famille est sans ressource, comme c’est le cas de nombreuses mères élevant seules leurs enfants, l’association paye une partie des matériaux. Le problème est que pour le moment ils sont en attente de subvention.
Après tant de louanges, on peut se demander pourquoi j’emploie le terme péjoratif de gringos. La raison est très simple, au sein de l’association tous parlent anglais ou plutôt aucun ne parle l’espagnol... Certains le baragouinent, ou arrivent à échanger avec les habitants grâce aux gestes et autres idées que l’on trouve toujours dans le besoin mais rien de plus. Comment faire un travail de terrain efficace et adapté si l’on ne peut communiquer avec les gens ? Car reconstruire, c’est bien, mais c’est encore mieux lorsque l’on arrive à former la population pour qu’elle le fasse elle même, car viendra un moment où les bénévoles partiront, et alors que restera-t-il ?
Autre point étrange, lorsque nous faisions un tour de la ville avec Dominic, l’un des anciens de l’association, il me montre le fruit de leur travail : un toboggan et des balançoires – très bonne idées – et me dit qu’ils voudraient continuer. Oui, ils envisagent de construire un skate parc s’ils arrivent à avoir une aide. Étonnement de ma part, les rues ne sont pas bitumées, je n’ai vu aucun gamin en skate ou roller dans les rues. Il y a certes quelques vélos mais rien de plus. Les gens n’ont pas d’argent pour construire un toit pour leurs toilettes, vont-ils acheter des rollers ? C’est ici que l’on voit une certaine naïveté ou un manque d’analyse de leur part, peut être un peu rêveurs sur les bords. Quant à l’autre association, il m’a été dit sur Lima, Pisco et Aréquipa que l’argent était très mal géré et que le dirigeant profitait du travail des bénévoles pour améliorer son CV...
Alors que faire ? Laisser les gens dans le besoin sous prétexte que certains volent et profitent des failles du système ? Sûrement pas. Par contre, je pense qu’il est erroné de venir en pensant que l’on va sauver ces pauvres gens, leur montrer comment faire, leur apprendre à vivre. Ceci ressemble à la vision de l’occident sur le tiers-monde, une vision colonialiste diraient certains.
Le mode d’organisation qui fonctionne dans les autres lieux où je suis passé est le travail en relation avec la population. Celui qui vient, arrive avec l’argent, le temps et la motivation pour aider. À partir de là, il faut rencontrer la population et définir les problèmes qui existent et ceux sur lesquels va se pencher l’organisation, ainsi que la manière dont elle va les aborder. Il semble que travailler avec la population entraine bien plus souvent la pérennisation du projet mais aussi l’échange et l’entreaide. Par exemple, si un certain nombre de maison doivent être reconstruites, si ce sont uniquement les bénévoles qui le font, le travail ira peut être plus vite, eux ayant tout leur temps pour le faire, mais une fois parti, il n’y aura plus personne pour aider les autres habitants. Tandis que si le travail se fait avec l’aide du voisinage, en plus de renforcer les liens dans le quartier, cela permet à la population d’apprendre et de pouvoir continuer seule. Ceci permet dans le même temps de proposer des formations à la population, sur ses droits par exemple, ou des ateliers pour les enfants, une nouvelle fois dans le but de tisser des liens et d’échanger.
Je repars donc de Pisco et mon bilan est mitigé. C’était la première fois, et probablement la dernière, que je rencontrais une association sans qu’une personne, un bénévole ne soit du pays, ce qui est un signe avant coureur des possibles défauts/des difficultés rencontrées. Surtout cela ne m’enlève pas de la bouche que la ville semble, aujourd’hui, oubliée du pays, les travaux comme la reconstruction de la route, la Panaméricaine, et de la ville n’avançant pas. Alors, je me permets d’écrire cet article, de partager mon expérience, pour transmettre l’appel à l’aide des habitants, plus démunis que jamais. Donc si vous avez des idées, des moyens ou du temps, que vous puissiez envisager Pisco dans vos plans...
source: Jérémie Wach-Chastel
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