mardi 28 juillet 2009

La face de l'hypocrisie

Dernier billet datant du mois de juin, avant d'entammer le récit péruvien. C'est aussi le premier article partagé entre Réaction à Show et La otra esquina.

Le regard fixe, droit comme un pic, dans ses mains la plaque commémorative que l’on vient de lui remettre, Marco Cadena ne bronche pas. La caméra de la télévision et les objectifs des photographes sont braqués sur lui, il ne peut perdre la face. Pris en flagrant délit d’hypocrisie, le principal du collège de San Gerardo ne réagit pas.




Il était un peu plus fier, quelques jours auparavant en compagnie de ses collègues. Face aux volontaires qui avaient accompagné la réalisation de la fresque qui orne le mur principal de son institution, ils ne manquaient pas de qualificatifs dépréciatifs : « c’est moche », « c’est horrible », « cela ne correspond pas avec les valeurs de notre institution », « à la limite ça a sa place dans la cours d’une crèche ». Une professeur se proposera d’offrir un galon de peinture pour recouvrir le tout en blanc. En comparaison, ils ne sont pas avares de félicitations pour les élèves, âgés de 17-18 ans qui ont ornés les murs de bondieuseries dans la cadre du cours d’anglais (rappelons que le collège est public).
Les deux européens repartirent vexés et décidés à lui faire manger son chapeau. Rien de grave si ces critiques n’avaient pas été faites aussi aux adolescents (12-15 ans) face à leurs camarades peu avares en ricanement. Six mois de travail à propos de l’autonomie, l’estime personnelle, la motivation mis à mal par une bande de professeurs ignorants sans la moindre once de pédagogie qui considèrent leur sens artistique comme le nombril du monde. La peinture qui invite au respect de l’environnement est assez figurative. On reconnaît le paysage alentours et le Tungurahua imposant dans le massif andin. La faune et la flore ont été représentées en utilisant la technique de la sérigraphie. Le thème, les traits et les couleurs sortent tout droit de la caboche des peintres. Les deux volontaires ont accompagné le projet sans trop intervenir. Le projet initial, quelques conseils et une longue paire de bras assez pratique pour peindre le ciel situé à 3 mètres du sol comme uniques guides tout au long du processus.
Le jeudi 18 juin, face aux autorités locales et aux médias, Marco Cadena ne réitérera pas ses propos. Passif, il assiste à la célébration du travail de ses étudiants. Devant le micro, il en vient même à féliciter les apprentis peintres. Chacune des parties prenantes en va de son discours. Tous fustigent les critiques qui ne prennent pas en compte le travail collaboratif et communautaire des adolescents et qui oublient que cette œuvre de rue était une première pour tous les participants. Le principal reste de marbre et ses collègues font profil bas. Docilement, ils promettent à la presse de conserver la fresque qu’il leur faisait horreur quelques jours auparavant. Sur le mur du collège qui fait face au village, tous les habitants peuvent désormais admirer la fresque réalisée par leurs enfants. Une explosion de couleurs sur le bâtiment blanc, une épine dans le pied du principal.

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