mercredi 18 juin 2008

Les indiens et la pression immobilière


Je n'apporte pas énormément de contenu propre sur le blog en ce moment mais je ne pouvais pas ne pas reprendre de papier de Médiapart qui traite de Brasilia. J'ai eu longtemps envie de traiter ce sujet en particulier mais faute de temps cela ne fut pas possible. La plume change, l'information reste. Merci a Lamia Oualalou.


Les indiens et la pression immobilière



Le Brésil accueille cette semaine à Brasilia la réunion préliminaire latino-américaine en vue de l’organisation du sommet de Durban II contre le racisme. Si la situation des Noirs s’est arrangée depuis l’arrivée de Lula au pouvoir (l’Etat reconnaît pour la première fois que le racisme n’est pas occasionnel mais institutionnel, mais j’y reviendrai rapidement à l’occasion d’un papier), la situation des Indigènes continue de se dégrader.

On l’a déjà vu, le boom des matières premières provoque une série d’invasions de coupeurs de bois, chercheurs de minerais en tous genre, et à plus grande échelle, de patrons de l’agro-business soucieux d’étendre les cultures de soja et d’eucalyptus. Mais la croissance économique, c’est aussi le boom de l’immobilier, un peu partout autour des grandes villes.

C’est justement autour de Brasilia, dans ce qu’on appelle le district fédéral, que se joue actuellement un véritable drame. Le gouverneur Arruda, allié à Paulo Octavio, le patron d’une grande entreprise de construction locale, et par ailleurs vice-gouverneur, ont jeté leur dévolu sur une terre à proximité de la capitale, occupée par des indigènes depuis 1969.

Profitant de l’engouement pour des appartements de luxe, et de l’envolée du pouvoir d’achat des plus riches, ils veulent y créer un «condominio », ces ensembles d’appartements protégés du reste du monde par des gardes, autour de piscines et de jardins.

Le projet du gouverneur, intitulé Noroeste, du fait de sa localisation, Pensée pour contenir 500 000 habitants en l’an 2000, Brasilia atteint les 3 millions, d’où la pression immobilière. La conséquence directe de ce boom est une multiplication du nombre de voitures, alors que le transport public est, comme souvent au Brésil, est cher et inefficace.

Les piétons, tous issus des classes défavorisées (Brasilia ne se prête pas à la marche), souffrent déjà de la multiplication de maladies respiratoires. C’est dans la zone nord de la ville que la situation est le plus critique. Or, la terre « Noreste » et ses arbres constituent aujourd’hui le seul poumon d’oxygène de la région. Les Indiens, qui démontrent depuis des décennies être les garants de la non-destruction de l’environnement (regardez un plan de l’Amazonie, les zones non dévastées sont en général des réserves indigènes), tiennent à cette terre.

Elle accueille les ethnies Fulni-ô, Kariri Xocó, Tuxá, Guajajara et Korubo, mais pas seulement : la proximité de la capitale, lieu de toutes les batailles politiques où ils vont aussi plaider leurs causes au niveau national, font de ces camps un lieu de passage pour d’autres tribus. Le projet n’a pas l’approbation du gouvernement fédéral, mais pour l’arrêter – il est facile d’obtenir l’autorisation de construire, il suffit souvent de corrompre – il faudrait émouvoir l’opinion publique.

Or les habitants de la capitale ne savent rien de la situation. On le comprend : à Brasília comme dans beaucoup de villes du Brésil, le politique, les grands patrons et les médias ont des liaisons indécentes, sinon dangereuses (remarquez, on en prend le chemin en France… l’Amérique Latine a toujours été, à bien des égards, un laboratoire des sciences politiques de l’Europe).

Ainsi, Paulo Octavio est le premier constructeur de la ville, sénateur, vice-gouverneur, présentateur d’un programme de télévision, et patron d’un journal. Le gouverneur balaye les attaques en prétendant qu’il s’agit de « six indiens », qui peuvent bien être déplacés au nom du développement. Les ONG qui oeuvrent à la protection des Indiens craignent aujourd’hui que les tribus soient violemment déplacées.

Après tout, s’ils ne sont que six…Ah, petit rappel, en septembre dernier, le Brésil a signé le texte (très ambitieux) présenté par l’ONU sur les droits des indigènes. Si la situation est ainsi autour de Brasilia, on peut légitimement s’inquieter sur ce qui se passe dans le reste du pays. sur You Tube, on trouve bien sûr l’original en portugais, et une autre traduction, en espagnol.

Crédit: Mediapart
Photos: 1 et 2 Tiago Machado (secteur Nordoueste) 3 Arruda, gouverneur du district fédéral et toute la cour nauséabonde qui l'entoure, parmis eux Paulo Octavio

Aucun commentaire: