lundi 28 septembre 2009

Syn-cretinisme

Ce week-end, les hauteurs bourgeoises du nord de Quito recevaient une cérémonie de San Pedro. Un culte syncretique qui reprend des élements spirituels de plusieurs religions.

Le San Pedro est un breuvage d'origine indigène préparé depuis des siècles par le shaman dans toute l'Amérique latine. C'est une distilation d'un cactus qui propose une nouvelle lecture de la vie via des hallucinations. Ses effets mais aussi la cérémonie qui l'accompagne sont similaires à la cérémonie de l'Ayahuasca.

A l'accueil se trouve Sergio, alias Taita, chilien aux cheveux blancs et aux lunettes aux verres progressifs. Il est le chef de cérémonie, celui qui administrera le san pedro aux invités, le leader d'un groupe urbain d'autodécouverte comme les nomme Karina Malpica. Peu à peu ils arrivent ces invités. Ils sont jeunes, quiteños pour la majorité au style vestimentaire post alternatif. Tous n'ont que très peu manger dans la journée comme le recommande tous les shamans.
Quand la nuit tombe se met à jouer le berimbau pour une introduction au son de la capoera brésilienne. Il est doux le son de l'instrument à une corde qui rappelle de bons souvenirs au coin du feu. Les flammes ardentes rendent incandescentes de lourdes pierres dissimulées parmi les buches.
Une introduction rapide puis on fait le tour des invités pour récupérer la "colaboration" qui s'élève à 10$. Vient ensuite le temps du Temascal. Un bain turc reconstitué dans une tente d'à peine 30m2 où vont s'entasser une cinquantaine de personnes assises épaule contre épaule le tout dans une obscurité totale. L'objectif est de pratiquer une toilette physique et spirituel pour se préparer à l'absorption du San Pedro. On se concentre, on chante en l'hommage à la Pachamama et en l'être humain et on encaisse à grosse goutte les différentes vagues de vapeur provoquées par l'eau sur les pierres qui sont restées des heures dans le brasier. Le vocabulaire est étrange, on mélange castillan et quetchua, on fait référence à l'homme, sa destiné, sa force, à la nature, à dieu. On mélange les symboles indigènes, chrétiens, ayurvediques et cheyenne. On répond aux incantation du Taita par des "Aho" sans grande signification qui ont un drôle de goût de "Amen". Difficile de trouver une cohérence culturelle dans tout ça qui plus est quand l'ambiance pesante sous la tente est alterner par quelques calembours du maître de cérémonie.
Il fait très chaud, très humide, les corps sont compactés et le noir est total. On peut craquer facilement pour peu d'avoir des penchants claustrophobes. Après la troisième partie de la cérémonie, une jeune femme sort en pleurs convulsée par les spasmes. Elle part en courant un peu plus loin pour reprendre ses esprits. Une deuxième est prise d'une crise de nerf à la fin. Malaise personnel devant des limites clairement dépassées.
On se sèche et on reprend ses esprits avant de se mettre en cercle pour la cérémonie du San Pedro. Le cercle est entouré de quatre portes, situées aux quatre coins cardinaux, gardées chacune par une personne qui prend soin de son entourage. Le San Pedro est halucinogène, il faut faire attention car on peut partir dans un mauvais rêve avec des conséquences diverses. Par chance Sergio est responsable, lui et ses assistants ce jour là ne prennent pas le breuvage pour pouvoir guider les invités. Il déclame des incantations en l'honneur de divers éléments piochés dans un pot pourri culturel hétérogène.

Tout comme l'Ayahuasca, le San Pedro a un goût horrible qui se rapproche d'une fermentation de tabac, c'est un moindre détail car ce sont les effets psychiques de la "medecina" qui sont recherchés. Chacun réagit en fonction de la résistance de son corps. Très rapidement, les premiers effets se font entendre, ils vomissent dans de petits sacs plastiques qu'on leu a fournit avant. Le San Pedro lave le corps et libère des mauvais esprits, c'est cela que l'on recrache pour pouvoir ensuite "prendre son envol et avoir une vie heureuse". Il peut aussi soigner certains mal, c'est d'ailleurs son usage originel. Parfois il faut prendre double ou tripple ration pour commencer le voyage. Parfois aussi cela ne marche pas, au contraire d'une drogue classique (canabis, extasy, cocaine...) les effets ne dépendent pas de la substance mais aussi de la disposition du sujet à se laisser porter. S'en suit un voyage personnel qui convient à chacun de raconter: hallucinations, visions, rêves...
Toute la nuit, les invités ressentent les effets du San Pedro, quelques uns passeront dans les bras de Morphée. Avant l'apparition du jour, le maître de cérémonie pratique un nouvelle toilette pour évacuer les derniers éléments malins qui seraient rester emprisonner de l'enveloppe corporelle. Le tout se termine avec le partage des "aliments" préparés par les femmes (signe de la fertilité et de la vie mais qui prend parfois l'aspect d'un simple reflexe machiste) lorsque le soleil fait son apparition derrière les volcans de la capitale équatorienne.
Lorsque le cercle est rompu par le Taita, il règne une drole d'ambiance parmi les invités, le rève est fini et chacun revient dificilement sur terre. Certains saisissent les instruments et commencent à danser. un autre danseur se joint à eux, exiter, il court dans tous les sens puis veut absolument voir le soleil depuis le centre du cercle formé par les musiciens. L'exitation le dépasse, il tombe dans les bras de Sergio avant de s'évanouir.
Epuisé par l'expérience, les invités dorment un peu partout sur le campement, une mère venu avec son nourisson marche nue entre les dormeurs et les campeurs qui rangent leur tente. On comprend que si on vient chercher un brin de spiritualité dans ces cérémonies c'est aussi un espace de liberté totale sans préjugés entre personne consentante que ces citoyens urbains revendiquent le temps d'un week-end.

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