samedi 28 février 2009

Pachamama*


Vivant dans la Cordillère des Andes, on a profité du carnaval pour partir un peu plus à l’est, là où les montagnes n’obstruent plus l’horizon et où elles laissent la place à l’Amazonie et à ses peuples.

A Chinimpi, l’éclairage public n’a été installé qu’il y a 5 mois. Tout le monde s’accorde pour se féliciter d’une telle innovation dans cette communauté Shuar. Jusque là, ce village d’une cinquantaine de famille était réduit à l’obscurité la nuit venue. La propagande gouvernementale indique que « la révolution citoyenne est en marche », pour les indiens c’est un nouveau pas vers le progrès.

La « modernisation » et la « pacification » des peuples indigènes d’Amazonie ont commencé il y a un peu moins d’un siècle avec l’arrivée des pères blancs, ces missionnaires évangéliques américains. Une bible dans la main, ils sont venus prêcher la bonne parole et en ont profité pour pacifier les indiens. Ces peuples de nature guerrière ont progressivement abandonné la lutte armée entre tribu et se sont regroupés en village alors qu’ils vivaient jusque là dans le seul clan familial. Un bâtiment accueille toujours le culte mais le seigneur s’est vu contraint à cohabiter avec les croyances locales.

A l’heure actuelle, les Shuar, tout comme les Ashuars, les Quetchua et les Zapara, sont majoritairement des paysans et vivent principalement en autarcie. Ils vivent de leurs récoltes ainsi que de la cueillette ( de uaba et de pitaraya entre autre) et de la chasse qu’ils ont hérité de leurs ancêtres. Pendant la coupe de la canne à sucre, la coopérative de Chinimpi produit 500 quintaux de sucre par jour. La seule ressource qu’ils vendent. A cela s’ajoute l’argent du tourisme qui commence à se développer dans cette région reculé de l’Equateur.

Gilberto est un guide Shuar, il y a quelques années, il a obtenu une bourse pour aller étudier l’anglais à Miami. Attaché à sa terre et au mode de vie de son peuple, il est revenu travailler à Palora. Impliqué dans le processus de développement de cette petite ville, il espère que de plus en plus de touristes s’aventureront dans la forêt pour profiter des paysages à couper le souffle et pour connaître les cultures indigènes. « Je pense qu’on pourrait augmenter le nombre de touriste en valorisant encore plus notre terre. Une des solutions serait d’abandonner l’élevage bovin. Un animal a besoin de 2 hectares pour vivre, si on rendait ces deux hectares à la nature, on retrouverait des bois primitifs dans la forêt amazonienne. » En attendant l’éradication des bêtes à cornes, les indiens s’emploient à valoriser leur culture aux yeux occidentaux.

Au moment du carnaval, les quatre tribus amazoniennes organisent un défilé traditionnel avec danses, nourritures, et ateliers de chasse. Au milieu des huttes de bambou et de palmes, ils présentent chants et cérémonies ancestraux. Ils boivent de la chicha (fermentation de yuca et de mani) à s’enivrer tandis que les touristes ont des maux d’estomacs après le troisième breuvage.

Le tourisme communautaire passe aussi par l’explication des croyances locales via la visite de certains lieux sacrés abritant l’esprit du dieu de la forêt, Arrutan. On explique aussi la shamanisme aux non initiés. Grégorio nous accueille chez lui pour le rituel de la toilette spirituelle. Avec l’aide du tabac et de l’Ayahuasca (breuvage hallucinogène qui permet entre autre de lire dans l’avenir ou bien de soigner), il exhorte les mauvais esprits de sortir de ce corps.

Les cultures indigènes d’Amazonie ne se résument pas seulement à un folklore pour touriste, elles sont belles et bien vivantes. La langue Shuar est parlée par environ 100 000 personnes et elle est enseignée à l’école dans des classes bilingues. Le shaman travaille toujours pour la communauté et de nombreuses personnes viennent le voir pour demander conseil ou bien pour se faire soigner.



* "Mère Terre" en quetchua


D'autres photos sur Flickr


Aucun commentaire: