vendredi 11 septembre 2009

Interview de Delfin Tenesaca: "Nous luttons contre l'emprise paternaliste"

La Otra Esquina a pu interviewé au mois d'août Delfin Tenesaca, le président du mouvement indigène du Chimborazo. Une interview de 20 minutes en vidéo relate l'histoire du mouvement indigène en Equateur mais un aucun serveur ne semble être en capacité de l'héberger vu sa taille. Cependant une partie a été retranscrite à l'écrit et c'est celle que je propose aujourd'hui.
Précision sémantique: durant tout l'entretien, on utilise le terme "indigène", traduction littérale de l'espagnol qui, parfois a un sens péjoratif en France. Face aux termes "indien" (français), "native" (anglais) et "indigena" (espagnol et portugais), le dernier me semble le plus adapté pour traité de la question des peuples ancestraux sur tous les continents.


L’Equateur est un pays particulièrement touché par les dommages irréparables causés par l’industrie minière et l’exploitation sans concertation des richesses naturelles (mines, forêt, eau…), comment les indigènes se positionnent ils face à cette situation et comment envisagent ils leur relation avec la Pachamama (mère terre) ?
Nous sommes principalement concernés par la pollution due à l’exploitation minière. Elle contamine l’eau et met fin à l’agriculture à cause de la contamination des terres. L’Homme ne peut plus vivre dans un tel environnement pollué.
Nous devons aussi voir à qui profite l’exploitation minière. Dans la majorité des cas, les entreprises multinationales qui extraient ne répartissent pas leurs bénéfices aux peuples dont ils occupent les terres. La nouvelle loi minière ne nous assure ce bénéfice qu’ils puisent du sol. Nous exigeons une réforme qui reconnaît l’occupation ancestrale des terres par les indigènes et qui nous garantisse une redistribution de leurs bénéfices. En Amazonie, les Shuars ont déclarer certains territoires comme leur. Le gouvernement en a profité pour mettre la main sur toutes les terres non déclarées.

Comment votre mouvement est il perçu par la jeunesse ? Existe-t-il une implication de leur part pour la cause indigène ?
Il existe une âme indigène parmi la jeunesse. Elle est consciente d’où elle vient même si elle ne participe pas toujours aux débats. Ils veulent défendre leur identité à l’image de 2006 où ils sont partis en tête de la lutte contre le traité de marché libre que voulaient nous imposer les Etats-Unis. Ils ont manifesté avec le drapeau de Pachakutik, revendiquant leur identité.
Le défi réside, pour les anciens, à transmettre cette identité et notre culture aux générations futures. Beaucoup de gens, en majorité des jeunes, quittent le pays pour aller travailler. Il leur est compliqué de conserver cette identité.
Nous assistons aussi à une réappropriation des vieilles coutumes par la jeunesse. Pendant le carnaval, les jeunes s’impliquent dans les danses, les chants et les défilés et ils valorisent la culture indigène au lieu de s’asperger d’eau et de farine dans la rue. Ils inventent de nouvelles traditions comme le futsala, un sport très populaire dans nos communautés. Des compétitions sont organisées mais on ne gagne pas une coupe. Le vainqueur remporte des animaux ou tout autre chose avec une vraie utilité.

Comment renforcer cette identité indigène ?
L’identité indigène souffre d’un grand nombre de discrimination. Pour certains nous sommes des voleurs, des analphabètes, sales car ils sont pauvres -qui nous a marginalisé et nous a volé nos richesses ?-, habillé de manière traditionnelle avec le poncho et le chapeau, et parlant une autre langue que le castillan. Les autorités politiques et policières usent de méthodes paternalistes à notre encontre. Nous luttons contre cette situation et réaffirmant notre identité et en refusant les attitudes supérieures.
Il nous manque une victoire importante. Il n’existe pas encore un recensement des peuples indigènes. Nous ne savons pas exactement combien nous sommes car le gouvernement n’interroge pas l’identité des personnes qu’il recense. Il nous questionne sur notre manière de vivre, notre famille, notre profession mais il ne veut pas savoir quelle est notre culture.

Comment les différentes nations indigènes vivent elles entre elles? Existe-t-il un dialogue entre les différentes cultures pour organiser vos objectifs politiques ?
Pachakutik est le parti de tous et aussi des métisses. Nous avons des débats et des disputes pour réussir l’union nationale et que la voix indigène soit écouter et prise en compte. Les communautés sont organisées au niveau local puis régional. Nous coordonnons nos actions selon les trois territoires de l’Equateur : la côte, les Andes, l’Amazonie, car chaque a ses spécificités. Ensuite, les trois délégations se réunissent pour prendre des décisions nationales. Nous proposons une lutte commune et solidaire. Cela signifie que les communautés de la côte aident de diverses manières les communautés des Andes qui rencontrerait un conflit avec quelque autorité et réciproquement.


credit photo: ukhamawa

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