vendredi 9 mai 2008

Joëlle Bordet :" Des forces dissuasives et créatives face aux réseaux clandestins"


Les 7, 8, et 9 mai l’UnB a accueilli le premier séminaire international sur Adolescence, Clinique et Culture. Organisé par le PRODEQUI (programme sur les dépendances chimiques), il a rassemblé des psychologues et des sociologues brésiliens et français pour parler de l’adolescent au sein de la diversité culturelle contemporaine et ses répercussions sur la psychologie clinique destinée à ce public.
Joëlle Bordet est psychosociologue membre du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) et du CIRFIP (Centre de recherche international de recherche et de formation interdisciplinaire en psychosociologie). Elle évoque les politiques de terrain mises en place par la France et le Brésil auprès de la jeunesse.
Comment peut on comparer les politiques institutionnelles destinées aux « jeunes » en France et au Brésil ?
Joëlle Bordet : « Sur le champ purement institutionnel, la France et le Brésil ne sont pas au même niveau de construction. La France est un pays plus vieux, moins grand et plus institutionnalisé de part sa tradition jacobine et centralisatrice. On assiste à une construction sociale plus importante avec un territoire quadrillé au niveau national et local. On rencontre beaucoup plus de professionnels sur le terrain du fait des contrats sociaux engagés en 1936 puis renouvelé en 1945. Cet Etat providence inspire le Brésil et il essaye de l’appliquer malgré les problèmes de légitimité rencontrés part l’Etat.
Aujourd’hui, nous constatons une inversion des mouvements, le Brésil renforce sa présence sur le terrain avec un travail social important pendant que la France, depuis un an particulièrement, privilégie l’affrontement violent, une approche technique dénué de social. Le pacte social se construit lentement d’un coté tandis qu’on le détruit de l’autre. »

Le psychanalyste français Philippe Gutton (présent au séminaire) avance l’idée de création d’institution par et pour les adolescents pour se structurer. Le phénomène est il identique dans les deux pays ?
« En ce qui concerne plus particulièrement les adolescents, l’institutionnalisation fait partie de la socialisation. C’est l’un des phénomènes d’entrée dans la société adulte. Le jeune adulte se constitue en contre pouvoir mais ceci ne signifie pas forcément une reconnaissance ni même une intégration. Il se regroupe loin des rapports de pouvoir et de marché.
L’adolescent et le jeune adulte avancent au sein d’un processus de créativité que l’on retrouve dans les champs culturels, sportifs ou bien politique. Dans un processus intergénérationnel qui tend à isoler celui qui refuse le modèle traditionnel, il créé sa propre densité. On peut, entre autre, étudier ce phénomène dans les quartiers sensibles en France.
Cela existe aussi au Brésil, en partie avec l’aide des ONG. Il existe ici un modèle communautaire qui unit les personnes dans des communautés de vie. La religion a un rôle structurant même si celle-ci agit alors qu’un processus de laïcisation est en route. Le groupe facilite la résistance face aux dangers que représentent la dictature (1964 -1985) et le libéralisme.
Le libéralisme individualise les comportements et déprécie l’estime du collectif. Dans ce cadre la religion peut s’avérer dangereuse car rien n’encadre la montée des extrémismes. La France est en train de tomber dans ce piège. »

L’association et les réseaux sociaux au sens large seraient ils un garde fou à la peur et à la loi du silence que l’on constate dans certains milieux ?
« Une spirale de peur et de violence se met en place lorsque l’institution de jeunes est irrecevable de la part des adultes. Par exemple, dans le cadre d’un groupe de trafiquants de drogue : la transaction est menaçante envers l’adolescent. L’idée est dégradante pour l’individu lui-même en plus d’être illégale. Il ne peut en parler à personne pour ne pas se mettre en danger. Ce silence engendre une méfiance réciproque entre les personnes. Cette même méfiance qui entraîne une fascisation des relations humaines avec de la peur, de la violence et de l’individualisation. Nous pouvons lutter contre ceci en instaurant de nouveaux liens sociaux. Grâce à des réseaux positifs (culture, sport, social, politique), nous proposons une force dissuasive et créative à ces réseaux clandestins tout en luttant contre la fragmentation de la société. Il s’agit d’établir un contre poids aux logiques individuelles et collectives présente. »

crédit photo: casadei production

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